EXPERIENCE D'AIDE : AIDER LES SUICIDAIRES, QUE FAIRE ( page 7 ) Participation à SOS Suicide
COMMENT PARLER AVEC UN SUICIDAIRE
Répondre aux suicidaires
Le standard de SOS Suicide devait répondre 24H sur 24. Franck sacrifiait presque tous ses week-end et ne partait pratiquement plus en vacances.
Souvent le nombre d’appels de suicidaires dépassait celui des écoutants en ligne, Il assurait alors l’écoute. En essayant de faire sa
comptabilité je fus stupéfié de voir comment il s'était ruiné pour SOS. J’ai bien essayé de l’aider. Au début j’ai
contribué à SOS avec quelques dons, mais je ne voulais pas transformer notre amitié en relation de dépendance. Mais on n’aide pas
comme ça Franck : - « grâce à votre don, j’ai pu ouvrir de nouvelles lignes de téléphone » Franck venait d’augmenter d’autant les dépenses !
Comment parler à une personne suicidaire
Franck aimait en effet « ses » suicidaires. J’en ai été frappé chaque fois que j’étais chez lui quand il répondait à
un appel. Il les questionnait sur leur vie mais sans montrer de compassion, avec un intérêt très marqué. Et ceux-ci parlaient
sans gêne, heureux de « rendre service ». Un jour, chez moi il a entamé une conversation avec mon frère handicapé. Il a su tout de suite
comment lui parler et a réussi en quelques minutes à le mettre tellement en confiance que celui-ci s’est dévoilé.
Jamais je ne l'avais vu autant parler. J’ai appris en peu de temps sur mon frère plus que je n’avais jamais su.
J’ai essayé de l’imiter et de cacher cette compassion. Cela n’a pas toujours été facile. Au fil des écoutes j’ai été convaincu
que c’était la bonne voie : chaque fois que je n’y suis pas arrivé, j’ai échoué lamentablement. Ce qui m’a permis d’y parvenir,
c’est le fait de comprendre la démarche terriblement négative de trop montrer sa compassion. Celle-ci part de la vision des défauts,
de la faiblesse ou du malheur de l’autre. A un tel point que vous risquez de ne plus voir que ça chez lui.
L’autre le ressent et est écrasé par ce regard porté sur sa détresse.
Pourtant me diriez-vous, Franck questionnait les suicidaires sur leur vie, et donc forcément sur la cause de leur détresse.
Ne risque-t-on pas ainsi de réveiller chez eux le souvenir de leur malheur ?
Ce n’est que plus tard que j’ai saisi comment Franck pouvait parler à quelqu'un de suicidaire sans provoquer cette douleur : Franck quand
il les questionnait s’intéressait à leur expérience. Ce n’était pas un artifice. Franck était vraiment passionné par l’expérience
des autres. Et le fait pour un suicidaire d’avoir souffert renforçait pour Franck cette expérience. En quelque sorte,
Franck valorisait la détresse de son interlocuteur.