COMPRENDRE L'ATTITUDE D'UN DEPRESSIF SUICIDAIRE : FIDELITE TRIBALE

Franck, l’ancien responsable de SOS Suicide, se servait plus de son expérience que de grandes théories. Il disait souvent que la psychologie découlait du bon sens. Une théorie échappait à son désintérêt : celle de la fidélité tribale. Quelques mois avant sa mort, alors que sa maladie de Parkinson l’handicapait énormément, j’ai pu le voir guérir rapidement quelqu’un de dépressif et suicidaire grâce à cette théorie.

Quelle attitude de Franck face à un dépressif

Il s’agissait d’une mère de famille d’une quarantaine d’année, Brigitte. Elle était dépressive depuis des années et avait déjà été en contact avec de nombreux psychologues ou psychiatres, quand elle a appelé SOS SUICIDE. Franck pensa que son attitude entrait dans le champ de sa théorie favorite, il lui proposa une rapide thérapie. Brigitte raconta qu’à sa naissance, son père aurait préféré un garçon. Franck lui expliqua qu’elle avait culpabilisé et voulu, par fidélité tribale, compenser la déception de son père en se comportant en garçon. D’où son attitude au sein même de sa famille, et sa dépression. Le déclic fut brutal et Brigitte retrouva rapidement son équilibre.

Pourquoi la fidélité tribale peut nous rendre dépressif

J’avais déjà entendu Franck parler de sa théorie, sans y porter beaucoup d’attention. Mais le rétablissement spectaculaire d'une dépressive changeait la donne. Pour Franck, nous sommes souvent marqués par un souhait de nos parents pour notre avenir. Mais c'est souvent un simple souhait - qui n'en a pas ? - que nous transformons en une obligation pour nous. Or le souhait correspond à leur tempérament, pas au nôtre. Résultat : nous nous enfermons dans une attitude impossible pour nous, qui peut nous entraîner dans une déprime. Cette transformation est plus ou moins consciente, dans le cas de Brigitte elle était totalement inconsciente. Si nous déprimons, il peut être utile de prendre du recul : est-ce que nous nous fixons pas de nous même une obligation ? Est-ce que pour nos parents, ce que nous pensons indispensable à leurs yeux, l'est-il vraiment ?

Expériences personnelles de fidélité tribale avec des dépressifs suicidaires

Je me suis occupé d'un déscolarisé dépressif de 18 ans (cf : Ado déscolarisé ). Lorsqu'il changea d'attitude, il eut du mal à trouver une formation qui lui plaise. Il finit par trouver son bonheur dans la comptabilité. Un des éléments qui le conforta fortement fut que son grand-père avait été expert-comptable. Je compris que cet élément compensait le fait que ses parents avaient fait une grande école et pas lui, ce qui laissait suggérer qu'une des causes de son attitude dépressive avait été de ne pas réussir le cursus que ses parents espéraient. Dans la suite de mon existence, j’ai pu souvent remarquer cette disposition qu’ont les gens de transformer ne serait-ce qu’un simple désir de l’autre en une obligation pour eux. Ce fait n’est même pas perçu par celui qui a seulement émis le désir.

Efficacité de la fidélité tribale pour les cas de dépression, pourquoi ?

Avec l’expérience, je compris mieux l’efficacité de cette théorie. De nombreux psys recherchent la culpabilité de quelqu’un, souvent la mère ou le père. Leur thérapie est forcément mal appréciée par certains de la famille, et pour la personne en dépression il n’est pas plus équilibrant d’en vouloir à ses parents. La force de la théorie de Franck, c’est que l’on cherche la cause sans désigner de réel responsable, on ne juge personne, ni le dépressif ni ses proches. De plus pour celui qui veut s’en sortir, savoir qu’il a une part de responsabilité inconsciente lui permet de penser qu’une grande partie de la solution dépend de lui et non pas d’un aléatoire changement de l’autre.

Rechercher des quiproquos plutôt que des coupables est un des plus précieux héritages que m’a légué Franck.