TEMOIGNAGE : MA LUTTE CONTRE LE SUICIDE, la vie du créateur de SOS Suicide

ENVIE DE SURVIVRE

Survivre à l'horreur

J’entre dans un camp de travail en Autriche, nous étions entassés dans une pièce peu claire. Toujours insouciant, je m’amuse à déclarer tout haut «Eh les gars, où est la sortie ? ». Un voisin s’appuie sur moi, je m’écarte, il tombe. Il était mort. Là je comprends que la situation est grave, que ma seule chance de survivre est de sortir vite d’ici. Je me suis plusieurs fois évadé. A chaque fois j’ai été repris, et j’ai été remis dans un camp plus dur. Tout était bon pour improviser une évasion. Une fois, je remarque que dans l’atelier de l’usine, on éteint les lumières lors des alertes aériennes. Or pendant quelques minutes, nos yeux ne sont pas encore acclimatés à l’obscurité. Je saisis la chance offerte. J’apprends les yeux fermés le chemin pour sortir. Lors de l’alerte suivante je ferme mes yeux quelques minutes avant. Quand les lumières s’éteignent, je profite de la cécité temporaire des gardiens pour filer rapidement vers la sortie.

Une autre fois, nous travaillons à réparer une piste. Des trombes d’eau se mirent à tomber. A côté, il y a une petite cabane faisant office de toilette. Je dis à mon garde que j’ai envie de m’y rendre. Par chance une fois la porte de celle-ci ouverte, le garde ne peut voir si on y entre ou non. Je passe derrière, je vois un tas de déchets, je m’enfouis dessous et j’attends. Le garde finit par comprendre. Il vient avec son chien. Mais la pluie et l’odeur des déchets neutralisent l’odorat de l’animal. Le garde finit par croire que je suis parti, la pluie limite sa visibilité et il finit par renoncer.

Survivre grâce à l'amour

Lors de mes cavales, ma chance fut que la fin de la guerre approchant plus rien n’étonnait personne !! Une fois, pour quitter mes habits de prisonnier, je pique ceux d’un épouvantail. Je traverse une grande ville habillé de ces loques, à la sortie je réalise que j’avais même des brins de paille coincés entre mes cheveux et le chapeau !!

Ma petite taille m’avait aussi encore sauvé : j’ai été le chouchou d’autres prisonniers qui m’ont aidé soit en me donnant une partie de leur ration, soit en effectuant une partie de mon travail. Je dois notamment la vie à un prisonnier polonais baraqué qui m’a évité de m’épuiser trop tôt. Ces actes m’ont transformé : j’ai découvert pour la première fois qu’on pouvait aimer et surtout que JE pouvais être aimé.

Vivre enfin libre

Libéré des camps par les troupes de Tito, je rentre en Corrèze. Arrivé chez moi je revois ma mère. Elle se contente de me dire : « ah te voilà, toi » Ecœuré, je repars immédiatement sans répondre un seul mot Elle n’a jamais eu envie de me demander ce que j’étais devenu pendant tout ce temps. J’ai su plus tard qu’elle n’avait jamais su que j’avais été déporté.