TEMOIGNAGE : MA LUTTE CONTRE LE SUICIDE, la vie du créateur de SOS Suicide

SOS SUICIDE, MOURIR DANS SON SOMMEIL A 80 ANS
APRES UNE VIE BIEN REMPLIE


Maladie de Parkinson

Concernant les écoutes téléphoniques de SOS SUICIDE, il arrivait souvent qu'on nous fasse compliments de tout le temps, l'énergie, la patience - et même l'argent - que nour leur consacrions. Et pourtant, en ce qui me concernait, mes laudateurs se trompaient. Je n'ai eu aucun mérite. J'ai beaucoup aimé ce que je faisais. En effet pendant les 18 années que dura SOS SUICIDE, il s'était créé entre la plupart des appelants et moi un climat précieux de compréhension, en même temps que d'intimité.

Malheureusement, atteint depuis quelques années par la maladie de Parkinson, mon état s'est brusquement aggravé au point de me priver de parole. J'ai dû pour ma part cesser de prendre des appels. N'étant plus apte à former de nouveaux écoutants, ni suivre les anciens, j'ai trouvé préférable de fermer notre standard francilien, ne laissant continuer que celui de Chartres.

Bilan humain de mon action contre le suicide

Si financièrement je me suis appauvri, humainement je me suis enrichi. Je me suis surtout enrichi d'une expérience exeptionnelle. Cette expérience me fut fournie par mes appelants. Je les ai beaucoup aimés. La plupart me l'ont rendu. J'ai été tolérant avec eux, ils ont été indulgents avec moi. Dans l'analyse de leur situation j'ai souvent "donné" (comme eux se plaisaient à le dire) "en plein dans le mille". Ce qui ne plaît pas toujours. Ils ne m'en ont pas voulu. Au contraire, plus on était parvenu à dénouer des situations, plus cette issue renforçait l'attachement qui se tissait entre nous à notre insu.

Je leur ai accordé mon amitié, ils m'ont accordé leur confiance. Je leur ai prêté ma vision des choses, ils m'ont prêté la leur. J'ai exploité un cabinet de psychothérapie pendant 21 ans. Mais je n'ai pas eu avec mes patients le même rapport qu'avec mes suicidaires. Soit dit sans ironie, ceux qui n'ont qu'un pied sur la planète, ont des choses à nous apprendre que n'ont pas ceux qui ont les deux pieds sur terre.

80 ans, trop tôt pour mourir !

Aujourd'hui des amis ont organisé pour mon 80 ème anniversaire une petite fête. Certains s'inquiètent de mon état, mais ils ont tort de me voir mourir ! J'ai survécu à des dangers de mort bien plus grands, menace d'exécution, transformée en déportation dans les camps, captures après évasions, accident d'avion ... Je compte vivre encore 20 ans, et ainsi continuer de profiter de cette vie dont je suis toujours amoureux.

Epilogue par Dominique

15 jours après cet anniversaire, Jacques est mort tranquillement dans son sommeil. Il avait tellement dépensé pour SOS SUICIDE que nous avons dû nous cotiser pour sa crémation. SOS SUICIDE a disparu, mais durant ces 20 ans d'intervention, Jacques a reçu plus de 200.000 appels.