TEMOIGNAGE : MA LUTTE CONTRE LE SUICIDE, la vie du créateur de SOS Suicide

VIVRE SANS L'AMOUR DE SES PARENTS

Enfance : pas d'amour dans ma famille

Je suis né le 5 janvier 1925 dans une famille de Corrèze. Une tradition familiale bien établie était de se marier entre cousins pour ne pas éparpiller les biens familiaux. Etait-ce dû à des mariages consanguins, la majorité de mes frères et sœurs étaient nés avec un handicap : surdité, cécité … Par bonheur je fis partie des rescapés, mais je fus affublé d’une très petite taille. Ce mariage arrangé fit que mes parents ne se sont jamais aimés. Cette absence d’amour conjugal rejaillit sur leur rapport avec leurs enfants. Ma mère ne me montrait pas d'amour, car je ressemblais à mon père, et ce dernier est toujours resté distant. Sans doute m’aimait-il sans me le dire, mais peut-être redoutait-il les fureurs de ma mère.

Fugue à 16 ans

Pour échapper à cette enfance étouffante, je décidais de fuguer. J’avais juste 16 ans, et nous étions en pleine guerre de 1940. Sans un sou, je prends le train pour Bordeaux. Là ma petite taille est un vrai coup de chance, elle me fait passer pour plus jeune. Je suis recueilli par une famille aisée qui me fait finir mes études au lycée.

Mort frolée à 18 ans

Deux ans plus tard, je retourne en Corrèze. N’ayant pas envie de rentrer chez moi, j’intègre un groupe de maquisards. Un jour, en juin 1944, je me décide à revoir mes parents, Malheureusement mon insouciance me cause mon premier grave problème. Ce jour-là je suis bêtement parti avec des cartouches dans la poche. Une patrouille d’allemands me capture près de Tulle. Depuis le débarquement, les actions de la résistance s'étaient développées, et les allemands en représailles avaient multiplié les exécutions. J'étais condamné, il fallait un miracle pour m'en tirer. Mais ma soif de vivre était telle que je ne cédais pas à le résignation. A force de chercher une solution, une idée me vînt : sachant que les maquisards venaient de déménager leur campement, je propose aux allemands de les conduire au camp des résistants. Ils acceptent, mais restent méfiants. L'officier qui conduisait le convoi me planta le canon de son revolver en me disant : "Si c'est un piège vous serez le premier sur qui je tire." Quand je vois les soldats se mettre avec force précautions en position d'attaque autour du camp que moi seul savait vide, comment prendraient-ils le fait de s'être ridiculisés à ce point devant un petit français ? Heureusement les traces encore toutes chaudes du campement convaincurent les Allemands de ma trahison et ils ne font "que" m’envoyer en déportation dans un camp de travail en Autriche.